AMERICAN COWGIRL
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 Croix et chrysantèmes

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neodeus

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MessageSujet: Croix et chrysantèmes   Croix et chrysantèmes Icon_minitimeMer 3 Juin - 17:22

Savez-vous pourquoi les cercueils sont en sapin ? Le sapin est un arbre assez banal et donc peu cher, mais je préfère penser que c'est un bel arbre, qui est toujours vert. Il dégage une odeur forte mais fraiche, et sa résine est isolante, comme si on voulait offrir au défunt un lit fait de bois immortel...

Savez-vous pourquoi on habille toujours les morts en noir ? Le noir est la couleur de la tristesse, de la nuit, où tout est sombre et froid, mais je préfère penser que c'est une couleur qui attire la chaleur et l'absorbe, et qu'on habille les morts ainsi afin d'insuffler de nouveau cette chaleur dans leur corps froid.

Savez-vous pourquoi on dépose des fleurs sur les tombes ? Outre l'aspect esthétique, les fleurs ont toujours symbolisé la vie, si éphémère soit-elle. Les déposer ainsi sur les tombes, c'est rappeler à tous qu'il y a quelqu'un qui fut vivant qui repose ici. Et c'est pour cela que je trouve que rien n'est plus triste qu'un bouquet de fleurs fanées laissé à l'abandon sur une tombe.

J'ai toujours été fascinée par les fleurs, mais qui peut bien avoir besoin de fleur au far west, si ce n'est les morts. Et heureusement, la mort ne frappe pas tous les jours dans notre petite ville. Aussi je cultive mes fleurs, que je vais chaque semaine déposer sur les tombes du cimetière.

Un homme vint me trouver un matin. Je n'aime généralement pas qu'on vienne me voir le matin, car cela annonce souvent une mauvaise nouvelle. Il portait un costume sombre, un chapeau melon et de petites lunettes. Il s'agissait de Scalabrini, notre banquier. Il avait emménagé il y a peu de temps dans notre ville, et était assez discret. Il s'est avancé timidement vers moi, et son air gêné me rassurait quelque part : il n'y avait personne à mettre en terre. « Que puis-je faire pour vous, monsieur Scalabrini ?
- Euh... On m'a dit que vous pouviez me trouver des fleurs ?
- En effet, mais en général, on m'en demande plutôt pour des morts. Que voulez-vous faire avec ?
- Il... Il y a une femme, dans la ville, qui me plait beaucoup...
- Ce genre de chose... Ne bougez pas. »
Je me dirigeai dans l'arrière boutique, pour en ressortir quelques minutes plus tard, les bras chargés d'un magnifique bouquet aux couleurs et formes variées. « Oh, merci, combien je vous dois ?
- Je ne suis pas fleuriste, je ne peux recevoir d'argent pour une activité qui n'est pas la mienne. Et puis il est normal de se rendre des petits services, entre concitoyens.
- Dans ce cas, offrez-moi un jour la possibilité de vous rendre la pareille ! »
Et il se dirigea vers la porte.

Avant de sortir, il se retourna toutefois vers moi : « Vous avez l'air de beaucoup aimer les fleurs, pourquoi avoir choisi ce métier et pas fleuriste ?
- Qui a besoin de fleurs dans le far west, si ce n'est les morts ?
- Une pauvre âme solitaire comme moi, pour commencer.
- Malheureusement, vous êtes la première que je rencontre depuis des années. Un peu léger pour les affaires, vous ne trouvez pas ? »
Il sourit puis sortit.

Il revint plus tard, en fin d'après-midi, l'air dépité. Je sortis un verre, y versa une bonne dose de bourbon, et lui tendis : « Elle a refusé vos avances, n'est-ce pas ? ». Il prit le verre et le vida d'un trait, puis me répondit, les yeux rivés sur le fond de son verre vide : « Ce n'était peut-être pas une bonne idée de toute façon, d'avoir une relation avec une cliente...
- Je ne suis pas vraiment apte à juger, moi qui ai choisi une profession où ce genre de relation n'est pas permis.
- N'avez-vous pas de regrets, quelques fois, d'avoir suivi cette voie ?
- Non, car c'est la plus belle chose que je puisse faire pour ces gens que j'aimais lorsqu'ils étaient vivants. »
En entendant cela, il leva les yeux et me regarda fixement : « Pourquoi avez-vous chois ce métier ?
- Ne vous ais-je pas répondu ce matin ? Seuls les morts ont besoin de fleurs dans ces contrées.
- Nous savons tous les deux que ce n'est pas la vraie raison, et que cette histoire ne sert qu'a cacher encore un peu plus les mystères de la ville ! »
Je pris alors moi aussi un verre, et me servis généreusement en bourbon, que je bus également d'un trait, avant de commencer mon histoire...

Il y a près de 20 ans maintenant, ma mère m'offrit un pot contenant une fleur. Je la trouvais belle. Elle était d'un jaune profond qui reflétait la lumière du soleil. Quelques jours plus tard, le père de Nadge fut abattu par les indiens. Ils voulaient simplement récupérer les bêtes... On l'enterra sur la colline, au fond de son champs. Il n'y avait pas de cimetière à l'époque, et c'est ainsi que l'on enterrait les gens. Tout le village assista à l'inhumation, moi y compris. J'avais a peine 6 ans, comme Nadge. Je tenais fébrilement la main de ma mère, pensant que Nadge ne pouvait le faire, elle avait perdu la sienne beaucoup plus jeune. Elle était maintenant toute seule... Le corps arriva par carriole, dans une simple boite en bois, faites de planches trouvées dans la remise de la ferme, des planches qui constituaient les cageots utilisés pour acheminer les produits des récoltes jusqu'au marché. Le père de Nadge était un homme généreux et bon, et aimé de ses concitoyens. Mais il ne roulait pas sur l'or, comme tout fermier, et il n'avait pas réussi, malgré son quotidien de labeur, à épargner assez d'argent pour pouvoir payer un cercueil décent... Des hommes descendirent le corps de la carriole, le sanglèrent, puis le firent descendre doucement dans le trou, le prêtre récitant quelques prières. Ils retirèrent ensuite les sangles, et rebouchèrent le trou, en y plantant une croix massive, mais toujours faite de bois grossier. La cérémonie finie, chacun rentra chez soi. En quittant la colline, tenant toujours la main de ma mère, j'ai jeté un dernier regard à Nadge. Elle était en sanglots, seule, fixant tristement la croix.

Je revins plus tard, lorsque le soleil était sur le point de se coucher. La croix semblait ainsi être entourée d'une auréole divine, mais devant elle, Nadge pleurait toujours. Je m'approchai d'elle doucement, elle m'entendit et se retourna. J'avais apporté mon pot contenant la fleur, et lui tendit. Elle s'arrêta de pleurer, prit doucement le pot, et le posa par terre, avant de se mettre à creuser au pied de la croix. Je l'imitai. Une fois que l'on estima le trou assez profond, on sortit délicatement la fleur du pot et la replanta dans le trou. C'était la dernière fois que je vis Nadge pendant des années. Elle partit le lendemain vivre avec son oncle, loin de cette ville où elle avait toujours vécu. Lorsqu'elle revint, 15 ans après, son regard avait changé, elle n'était plus du tout la même. Mais quand elle me revit après tout ce temps, en haut de la colline, m'occuper de la fleur qui ornait la tombe de son père, elle me fit un sourire. Un sourire sincère qui me fit comprendre que, bien qu'elle ait changé, ses valeurs restaient les mêmes.

« Pourquoi, monsieur Scalabrini, les pauvres n'auraient pas le droit d'avoir une dernière demeure décente ?
- C'est donc pour ça que vous avez choisi cette voie... »
Je lui adressai un sourire bienveillant. « Oh, je suis désolée, je dois fermer, il faut que j'aille m'occuper de mes plantes. »




Je sellai mon cheval, et me mis en route. Après avoir parcouru deux kilomètre, je descendis de ma monture, remplit l'arrosoir qui se trouvait à coté du puits à proximité, et alla arroser mes fleurs, déraciner les mauvaises herbes. La lumière du couchant se reflétait maintenant sur les pétales de mon parterre de fleurs jaunes, au milieu duquel se dressait, en haut d'une colline, fièrement une croix de bois grossier.
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